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Le Quotidien is exclusively written in French while only some chapters are translated

The most recent of the three VF orchestras, the Verbier Festival Junior Orchestra (VFJO), is one of the world’s finest phalanxes of young musicians.
The ensemble is celebrating its 10th anniversary: an opportunity to look back on the wonderful adventure of a “Music Camp Orchestra” that has become the stuff of dreams for teenagers from all over the world.

James Gaffigan

Engagé dans les plus grandes maisons d’opéra et de concert, James Gaffigan assure également la direction musicale du VFJO depuis 2021. Il est aujourd’hui aux Combins, avec l’orchestre et la violoniste Nicola Benedetti, dans un programme associant le Don Juan de Richard Strauss et le Concerto pour violon de Wynton Marsalis.

James Gaffigan, les jeunes viennent d’horizons très différents et vous disposez de seulement quelques semaines de travail avec eux. De quelle façon construisez-vous le son du VFJO ?
Le plus important à mes yeux est de faire comprendre aux jeunes leur fonction dans l’orchestre et les interactions des uns avec les autres. Une formation symphonique nécessite comme la musique de chambre d’écouter les autres et de se fondre avec eux. La recette miraculeuse est la conjonction du talent et du désir de jouer ensemble. Le son vient par surcroît. Nous disposons certes de peu de temps pour monter les trois concerts, mais les jeunes du VFJO ont une qualité très stimulante pour un directeur musical : ils arrivent sans aprioris ni habitudes. Ils n’ont pas derrière eux dix Shéhérazade, ou cinq Rake’s Progress joués sous la direction de tel ou tel chef.

(suite en bas de page)

2013 – 2023 : La belle énergie du VFJO

James Gaffigan, directeur musical

Le VFJO, un ferment pour l’avenir

Ils sont avides d’informations et incroyablement réceptifs. Pour moi c’est exaltant. C’est comme dessiner sur une feuille blanche.

Comment avez-vous choisi les oeuvres
de cet été ?

De Rimsky-Korsakov à Marsalis, en passant par Richard Strauss, j’ai choisi des compositeurs qui sont tous d’extraordinaires orchestrateurs. À travers eux, les jeunes découvrent une grande diversité de styles. Les textures de Shéhérazade sont chatoyantes, avec beaucoup de solos. Le Don Juan de Richard Strauss permet d’aborder un langage harmonique plus complexe, non sans un danger de lourdeur. Marsalis, lui, entraîne les jeunes dans l’univers du jazz, totalement inédit pour la plupart d’entre eux. Stravinsky, enfin, est sans aucun doute le compositeur le plus difficile. La partition de The Rake’s Progress est claire, précise, d’un langage proche de Haydn ou Mozart, mais atonale en même temps, avec des harmonies très étranges. La plupart des jeunes découvrent avec cette oeuvre le genre de l’opéra, ce qui ajoute complexité et beauté. Avec les chanteurs, ils découvrent la respiration et le phrasé naturel. Un événement particulièrement décisif pour les cordes qui n’ont pas la contrainte du souffle pour jouer. N’importe quel instrument est comme la voix de celui qui en joue. Respiration et phrasé y sont essentiels.

Comment travaillez-vous avec eux lorsque vous abordez une oeuvre ?
Tout dépend des circonstances. Cette année, lorsque nous avons abordé Don Juan, l’orchestre a réussi à tout enchaîner à la première lecture. C’était stupéfiant ! Mais ils l’ont fait !

De manière générale, je travaille très en détail, puis je reviens à l’oeuvre dans sa globalité. Précision extrême et image générale, travail et lâcher-prise : c’est ainsi que je procède avec eux. Pour moi, les allers et retours entre ces deux pôles sont au fondement même du travail de tout musicien.

Votre activité avec le VFJO s’inscrit dans une carrière très intense, qui se partage entre concerts symphoniques et opéras. Quel équilibre trouvez-vous entre ces deux répertoires ?

Ils me sont indispensables l’un et l’autre. Je ne saurais me passer des symphonies de Mahler ou Bruckner, ni des opéras de Mozart ou Wagner. Quant à l’expérience à Verbier, elle prend naturellement place dans la continuité de mon travail avec les jeunes de Tanglewood, d’Aspen ou de la Juilliard School. Le Verbier Festival est un endroit très particulier : les jeunes font partie de son écosystème. Comme la nature a besoin de soleil, de terre, d’eau, et de graines, Verbier a besoin du VFJO qui est le ferment de l’avenir.

Propos recueillis par Laetitia Brancovan

Charlotte Malherbe, manager

The wonderful energy of the VFJO

From the télécabine parking lot, the path to the VFJO rehearsals straddles a river and a road before winding up the hillside to the Collège de Bagnes. Every morning, the large building awaits the young members of the orchestra for their day’s work. Age: 15-18. From: 26 countries this year. Number of applicants: 240.

“The VFJO is an initiative by Martin Engstroem,” explains Charlotte Malherbe, who has been involved in the project since its inception and has been the orchestra’s manager since 2018. “Martin wanted to offer young musicians an orchestral experience as early as possible, in other words, as soon as they had reached the requisite instrumental level. He asked Daniel Harding to head what came to be known as the ‘Music Camp Orchestra’. The ensemble’s reputation and level grew so much in the first few years that by 2016, it became clear that this was no longer a music summer camp, but the Festival’s third orchestra. The group was renamed the Verbier Festival Junior Orchestra. James Gaffigan, who has been Musical Director of the VFJO since 2021, has done an outstanding job with them.”

The VFJO is performing three times in the course of the Festival, with two symphonic programmes and an opera. How do the young people put all these works together so quickly?

The musical level of our teenagers is extremely high. We also select their coaches with the utmost rigor from some of Europe’s finest orchestras: Orchestre de Paris, Amsterdam Concertgebouw Orchestra, Lucerne Symphony Orchestra, London Symphony Orchestra, Komische Oper Belin, and the Stockholm Radio Orchestra. We have thirteen coaches this year, one for each instrument.
Even if the young people arrive a week before the Festival to work on the program in advance, putting together the three programmes remains a challenge, especially for those with no orchestral experience. As their manager, I am always impressed by their incredible progress right from the start of rehearsals. These young musicians have a fascinating capacity for listening and working.

What have been the most memorable moments of the last ten years for you?

There are many, but if I had to pick just one, it would be Puccini’s La Bohème in 2021, the only opera we were able to salvage that summer, at the cost of drastic measures to avoid Covid among the members of the orchestra and the singers. The score is extremely difficult. The young people worked with James like mad, giving it their all. The result was extraordinary, and deeply moving.

Propos recueillis par Laetitia Brancovan

SICPA

Clara Schlotz
violoncelle, 18 ans, Suisse

À mon arrivée au VFJO en 2021, je n’avais encore jamais eu d’expérience symphonique. Notre premier tutti a été l’ouverture Roméo et Juliette de Tchaïkovski. Il me semblait évident que James Gaffigan nous arrêterait au bout de quelques mesures pour nous corriger. Or nous avons tout filé ! Le niveau de l’orchestre m’a sidérée.

Je n’oublierai jamais ce moment. James Gaffigan a une présence particulière et une grande efficacité. Nous avançons vite avec lui. Au VFJO, nous rencontrons des jeunes qui, comme nous, se passionnent pour la musique classique. Nous venons d’endroits différents, mais nous sommes tous là pour elle. Cela n’arrive pas tous les jours dans la vie, et c’est très réconfortant. Lorsque le VFJO se sépare chaque année, nous sommes très émus. Trois semaines filent comme quatre secondes ! Et cependant, nous passons vraiment tout ce temps avec les autres musiciens qui deviennent nos amis et que nous n’oublierons jamais.

Matteo Galindez
trompette, 17 ans, France

Le VFJO est ma première expérience d’orchestre de cette envergure. J’apprécie l’atmosphère cosmopolite du VFJO et l’ouverture qu’elle apporte. Notre coach, Philipp Hutter est trompette solo à l’Orchestre Symphonique de Lucerne. Il nous apprend son métier d’orchestre. « Sur cet accord, telle note doit s’entendre moins », ou « ici tu fais la basse, sois plus présent ». Il nous apprend à nous écouter. Travailler sous la direction d’un aussi grand chef que James Gaffigan est très intimidant. Tout est clair dans sa battue, et ses attentes. En même temps, il plaisante parfois avec nous et nous travaillons dans la bonne humeur. L’une des choses les plus frappantes, sans doute, c’est sa confiance : il nous fait jouer comme des professionnels, et c’est un immense compliment pour nous. Notre premier concert aux Combins a été un moment inoubliable pour moi. Cette grande salle, cette musique ! Je pense aux contes des Mille et Une Nuit quand je joue Shéhérazade. Quelle chance nous avons !

A typical day for a VFJO musicianFrom 9 to 9.15 a.m.: yoga or meditation, physical conditioning. This is followed by sectional rehearsals with the coaches (11 a.m. to 12.30 p.m.); lunch together in the dining hall, supplied by the restaurant l’Escale in Le Châble; and then, in the afternoon, tutti in the big sports hall under the direction of maestro James Gaffigan (1.30 to 4.30 p.m.). Those who wish to do so can stay and work, while the others are free to leave. They all live in Verbier, where they can enjoy a range of additional activities: hiking, swimming, tennis, DVD evenings and, of course, Festival concerts.

Jonathan Reith, coach

Tous unis dans et pour la musique

Jonathan Reith est trombone solo à l’Orchestre de Paris et coach de VFJO depuis 2015.

Jonathan Reith, en quoi consiste votre encadrement des jeunes au VFJO ?

Chaque coach fait répéter le pupitre de son instrument, autrement dit, pour moi, les trombones. Le matin nous travaillons en partiels. Nous ajustons tous les détails. Pendant les tutti de l’après-midi dirigés par James Gaffigan, nous observons les points à améliorer pendant le partiel du lendemain. Beaucoup de jeunes vivent ici leur première véritable expérience d’orchestre symphonique. L’essentiel du travail consiste à leur apprendre à jouer ensemble : intonation, rythme et équilibre dans les nuances. À s’écouter les uns les autres. Parfois, nous réunissons les instruments par famille : en regroupant par exemple tous les cuivres, ou tous les vents.

Est-ce que la provenance géographique des musiciens a un impact sur leur jeu ?

Il peut y avoir des différences de culture du son, de matériel. Par exemple en France, nous utilisons des trombones avec de plus petites embouchures ce qui donne un son plus clair tandis qu’aux Etats-Unis, le son est plus large. Il est important de trouver un équilibre au sein du pupitre.

Comment voyez-vous l’évolution du VFJO depuis votre arrivée ?

Le programme de cette année aurait été impensable en 2015. Le Don Juan de Strauss présente des traits d’orchestre d’un niveau professionnel. Quant à la partition de Shéhérazade de Rimsky-Korsakov, elle comporte des solos pour tous les instruments Les jeunes sont mis en valeur à tour de rôle, ce qui est à la fois éprouvant et exaltant pour eux.

Pourquoi faites-vous ce travail de coach ?

J’ai une longue expérience de l’orchestre que j’aime transmettre. En faisant travailler les jeunes, je retrouve des difficultés que j’ai rencontrées plus jeune. J’essaie de leur donner les clefs pour les résoudre. Il y a aussi des réflexes qui ne s’acquièrent qu’avec l’expérience : ne pas démarrer trop tôt par exemple, autrement dit, ne pas jouer sur le geste du chef. Un orchestre a une inertie. L’erreur est de démarrer tout de suite. Il faut respirer avec les autres, faire corps avec eux, avoir le feeling du groupe. C’est indéfinissable avec des mots. Il y a une part magique.

Que vous apportent les jeunes du VFJO ?

Ils me rappellent qu’il faut toujours se remettre en question dans notre façon d’enseigner, ce qui est très stimulant. En même temps, ils transmettent un enthousiasme énorme. Nous sommes tous unis dans et pour la musique. Cette extraordinaire énergie positive est la raison pour laquelle j’interviens ici comme coach depuis si longtemps.

Propos recueillis par Laetitia Brancovan