RENCONTRES INÉDITES III

Plus que tout autre, le corpus des Quatuors avec Piano est celui pour Brahms de l’émancipation. On y retrouve déjà ce qui sera la marque de fabrique du musicien : vocabulaire romantique tempétueux, avec une maîtrise de l’architecture musicale équilibrée, presque symphonique. Dans l’exposition et la réexposition du premier mouvement, les motifs se déploient avec une maestria sans pareille, et un désir de ne jamais finir. Le développement, au contraire, a la concision du style classique, se concentrant sur les tous premiers intervalles du premier thème. Le deuxième mouvement, fondé sur une variation du «motif de Clara» de Robert Schumann, est l’un des premiers exemples de scherzo doux et langoureux, genre dans lequel Brahms excelle tout particulièrement. Mais si le premier Quatuor avec Piano a marqué les esprits, c’est surtout grâce à son exubérant Finale, au style tzigane flamboyant, renouant paradoxalement avec une coutume fort ancienne dont Haydn se fit le plus illustre représentant.  

Quant au deuxième Trio élégiaque de Rachmaninoff, et dédié à la disparition de Tchaïkovski, il s’inscrit dans une tradition inaugurée par le compositeur du Lac des Cygnes lui-même ; celle de consacrer le Trio avec Piano comme genre funèbre par excellence, le Trio de Tchaïkovski étant lui-même dédié, comme celui de Rachmaninoff, « à la mémoire d’un grand artiste ». C’est d’ailleurs comme un discret hommage au Trio de son aîné que Rachmaninoff reprend la forme du thème et variations dans le deuxième mouvement, avant qu’un bref Finale ne plonge dans l’abîme. Une oeuvre où chacun des trois instruments peut montrer l’étendue de son lyrisme et de sa vocalité ; un écrin de choix pour nos solistes Janine Jansen, Mischa Maisky et Daniil Trifonov.